Tuesday, May 30, 2006

L’ange de la mort






L’ange de la mort
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Elle se sentait bien.

Elle n’avait guère plus froid.

Elle se sentait bien.

Le cœur léger, le corps léger aussi. En fait elle ne le sentait plus. Elle ne ressentait plus aucun des obstacles empêchant depuis si longtemps son âme d’être en paix.

Elle se sentait bien…..enfin !

Peut importe le passé, elle était à présent libre de ne plus exister.

Elle avait tant souffert ! Blessures morales entraînant blessures physiques. Douleurs physiques entraînant douleurs morales. Un cercle vicieux, une horreur sans nom : sa vie !

Elle avait tant souffert !

Mais à présent tout cela ne comptait plus, elle se sentait bien.


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Elle ne se souvient plus très bien de ce qu’elle a fait. Elle ne veut pas se rappeler ce qu’elle s’est faite.

C’est trop douloureux !

Et l’état dans lequel elle se trouve ne laisse aucunement place à la douleur.

Elle est sereine. Elle se sent bien ! Une chaleur ineffable s’est emparée de son « être ».

Elle n’a plus aucune enveloppe charnelle mutilée par ses propres soins. Elle ne sent plus ses poignets tailladés. Elle se sent bien un point c’est tout.

Pourquoi faudrait-il qu’elle se rappelle toutes ces nuits passées à pleurer un couteau dans la main, une sucrerie dans l’autre ? Pourquoi faudrait-il qu’elle souffre même après la vie ?

Il ne le faut pas !

Surtout pas !

Elle a bien mérité de se sentir bien durant quelques instants.


Car bientôt elle souffrira encore, plus fort, longtemps, si longtemps. Sa misérable vie va revenir en elle. Elle retrouvera son enveloppe charnelle. Et son esprit non plus serein mais meurtris lui reviendra en même temps que la vie.

Elle va maudire ceux qui vont la ramener. Ils ne comprennent pas ! Elle va bien, très bien. Elle a toute sa tête. Elle savait très bien ce qu’elle faisait avec ces médicaments. Elle le savait pertinemment. Mais ils n’entendent rien, ne veulent rien entendre. Ils font leur travail : ils sauvent des vies. Mêmes si ces vies désirent le moins du monde la vie, si elles ne désirent pas être sauvées.

C’est si injuste !


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Bientôt elle ne se sentira pas bien. Elle va à nouveau tant souffrir ! Elle aurait préféré mourir.

Elle Voulait mourir !

La mort est si douce, la vie cruelle. Elle va tant souffrir !

Encore bien plus qu’avant.

Elle ne le sait pas encore ! En ce moment, elle ne voit pas tous ces médecins qui s’affairent autour d’elle.

Elle ne voit pas son père jurer contre elle. Elle ne sait pas que cet acte désespéré tenté pour se protéger de lui et de ses coups n’a fait qu’accentuer sa colère, sa rage. Elle ne sait pas que dès qu’elle rentrera « chez elle » il se remettra à boire, à la frapper, à l’insulter, à lui faire du mal.

Elle ne le sait pas.

Elle ne sait pas non plus que le fait qu’elle se sente si bien en ce moment même ne fera que rendre plus insupportable la douleur du monde réel.

Elle ne sait pas qu’elle va bientôt souffrir comme jamais. Sa meilleure amie va s’en aller, une autre trépasser. Elle va être déchirée et souhaitera à nouveau mourir, plus que jamais. Mais le souvenir de son père ne lui fera rien tenter de nouveau. Elle sera meurtrie par la vie, tout au long de celle-ci. Et elle ne pourra rien y faire.

Subir ! Subir les assauts de l’existence sans échappatoires.


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Elle est à présent allongée. Je ne peux intervenir, je n’en ai pas le droit. Pourtant j’ai si pitié. Pourquoi ne puis-je pas la prendre ? Maintenant ?

Je suis ange de la mort mais je ne peux la retirer du monde des vivants.

Pas maintenant…..pas encore.


Mais sa souffrance passée et futur fait couler une larme le long de ma joue. L’ange de la mort ne pleure jamais. L’ange de la mort n’a pas pitié, l’ange de la mort ne ressent pas ce genre de sentiments. Pourtant ange de la mort je le suis bien et peiné par le destin terrible de cette enfant je ne puis que l’être.
Alors je transgresse toutes lois de la nature. Je bouleverse l’ordre des choses. Je la dérobe à ces médecins. Je lui prends son âme avant qu’elle ne soit à nouveau hors de ma portée. Elle ne souffrira jamais plus. Elle se sentira bien….à nouveau….pour l’éternité !

FIN
Commentaire:
J'aime énormément ce petit texte en prose.
Je ne sais pas pourquoi mais, j'avais envie de montrer que parfois...parfois...
Je ne sais comment expliquer. Mais certaines l'ont bien vu, bien compris.
Rien à ajouter je pense...
Le style reste encore ici fragile, mais j'étais sur la voie...

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