Tuesday, May 30, 2006




LE DERNIER ENVOL !


« Voles, voles petit oiseau !
Voles de plus en plus haut !
Toi qui est libre et heureux.
Toi qui me vois si malheureux.
Voles, de tes ailes dans le firmament.
Voles, n’est pas peur du temps.
Toi tu as toute ta vie devant toi.
Moi, je n’en ai plus tant que ça. »


Il était dans sa chambre. La maison était vide…comme souvent. Il a beau être malade, souffrir le martyr, tous s’en moquaient ! Lui qui peine à se déplacer, lui qui a mal lorsque le vent le frappe trop fort, lui qui ne supporte pas l’indifférence, on le laisse seul pendant les vacances, seul pendant les week-ends, seul à toutes heures du jour, seul, sans aide…sans amour.


« Ce que je t’envie ! Toi tu n’as aucun ennui.
La nature a voulu que tu ais des parents, qui pour toi s’inquiètent vraiment.
Ils se sont occupés de toi, d’amour tu ne manquas pas.
Voles vite loin de ma vue, tu possèdes tout ce que j’aurais voulu.
Oui, cher petit volatile, je te jalouse tel un garçon puéril. »


Quel genre de parents ne prendrait pas même soin de leur seul et unique fils ? Quel genre de parent le laisserait seul avec sa maladie ? Quel genre de parents…d’ignobles et indignes parents le pauvre Lionel a hérité ? Lionel depuis des années sait qu’il ne verra pas le bout de ses soucis, du moins jamais dans cette vie. L’espoir n’a plus de place dans le cœur de l’adolescent. L’espoir a à jamais quitté ses yeux innocents.


« D’un coup de tes belles ailes, toi tu peux t’enfuir dans l’immensité du ciel.
Moi je n’ai que mes jambes fébriles qui ne portent qu’à peine mon corps fragile.
Moi, j’ai une porte fermée qui m’empêche toute échappée.Je n’ai que mon imagination pour me permettre quelques évasions.
Ce que j’aurais souhaité naître oiseau, pour pouvoir moi aussi voler si haut ! »


L’oiseau comme pour le narguer vient se poser sur le rebord où Lionel est accoudé.
Le malade le cœur serré l’entend gaiement chanter. C’est difficile pour quelqu’un de profondément malheureux de constater le bonheur d’un autre être que lui. La jalousie ajoute au désespoir.


« Moi aussi, comme toi, je vais voler. Ou alors vais-je tomber ?
Ça n’a pas grande importance, après tout ce sera ma seule chance.
Ma chance de me libérer de ce joug d’handicapé !
Les gens me dévisagent dans la rue, des regards emplis de la pitié qui me tue.
Ou alors, le mépris, l’indifférence, m’ôtant du cœur la joie et l’espérance.
L’espoir en moi s’est envolé. Ma vie de toute façon va s’achever.
Pourquoi devrais-je encore souffrir ? Mieux vaut pour moi la mort, mourir ! »


Lionel en a assez de la solitude. Face à la souffrance il n’a trouvé qu’une solution. Il n’a pas même peur d’être égoïste, personne ne s’en fait pour lui, personne ne s’inquiète de son sort. Les gens sont pleins de préjugés, les gens sont si facilement manipulable. Et les parents de Lionel ont vraiment tout fait pour briser leur unique enfant, à force de mensonges et de mauvais traitements !


« À présent il va me falloir, de l’aide, petit oiseau, de ta part.
Tu dois me montrer le chemin qui ne me conduira jamais à demain.
Enlèves moi des sentiers de la vie, fais moi entrer dans une éternelle nuit !
Accompagnes moi dans ma descentes !
Remontes à temps d’une fin imminente.
Vis encore, petit oiseau, toi, si magnifique, si beau ! »


Lionel, une larme coulant sur sa joue droite, ferme la fenêtre de sa chambre, l’oiseau s’envole.
Il se dirige dans le salon, direction, le balcon.
Il l’ouvre et s’y rend.
C’est sans voix qu’il remarque l’oiseau au plumage azuré, l’attendre, paisiblement. Peut être l’oiseau à t-il compris les paroles de ce garçon poète.
L’adolescent, du moins, l’espère.
Il voit en cet oiseau un compagnon, le dernier compagnon de cette triste vie.
A force d’effort et de volonté, Lionel parvient à enjamber la basse barrière du balcon.
La dernière barrière entre la vie et la mort, entre la douleur et la sérénité.
Un dernier mot est prononcé par le garçon avant l’instant de sauter. Un mot destiné à la seule personne qui rendait sa vie acceptable, agréable.

« Attends moi, Jenny mon cœur. Attends moi chère petite sœur ! »


T H E E N D